Encore une fois, la crise de 1929 confirme la mondialisation progressive de l’économie. Elle commence par une crise boursière, issue d’un phénomène aujourd’hui bien connu de « bulle spéculative », c’est-à-dire de déconnexion entre la croissance rapide des cours du marché financier et la croissance beaucoup plus lente de la production. La bulle éclate lors du fameux « jeudi noir » de Wall Street en 1929. Les cours s’effondrent, mettent sur la paille de nombreux actionnaires endettés pour l’achat des titres et restreignent les capacités de crédit des banques face à la multiplication des clients insolvables. La crise boursière devient une crise bancaire et la restriction des capacités bancaires à offrir des crédits se répercute sur la consommation et l’investissement, c’est-à-dire sur la demande globale. La crise financière devient alors une crise économique générale, notamment industrielle.
Voyant qu’elles pouvaient se faire rembourser les crédits qu’elles avaient accordés à l’intérieur des frontières, les banques américaines vont chercher à rapatrier les capitaux qu’elle ont investis en Europe. Or les banques européennes ont, de leur côté, investit cet argent dans différents secteurs et rencontrent une énorme difficulté pour répondre à cette demande de rapatriement. L’une après l’autre, les banques européennes entrent en crise par des faillites successives. Le retrait des sommes par les banques américaines entraîne la crise des monnaies européennes. La Grande Bretagne la première verra la Livre se dévaluer de 40 % sur le marché des changes et celle-ci sera suivie par la chute d’une trentaine de monnaies. La forte pénurie monétaire touche le secteur de la production. Les prix des produits agricoles chutent touchant toutes les formes d’agriculture. Parallèlement, la production industrielle mondiale s’effondre aussi puisque les produits restent invendus. Son niveau en 1932 sera 40 % inférieur à celui enregistré en 1929.
Bien sûr, la crise économique, nous l’avons déjà constaté, va de pair avec la crise sociale. Le chômage est la première manifestation de la crise des années 1930 : précédemment moins de 10 millions en Amérique du Nord et en Europe occidentale, les chômeurs atteignent au début des années 1930 les 30 millions. La crise touche avant tout les petits agriculteurs, les ouvriers et une partie de la classe moyenne. Résultat de ce malaise : le renforcement des partis communistes qui encouragera l’ascension parallèle de l’extrême droite, de la xénophobie et du racisme, et le nouveau dogme nazi qui n’est pas loin du triomphe...
Les dirigeants, sortis d’une période d’euphorie ont du mal à appréhender l’importance de la crise qu’ils considèrent comme un phénomène passager lié à la surproduction. Ils restent d’abord confiant envers l’économie de marché et, en attendant l’émergence d’un nouvel équilibre, se limitent à des interventions fragmentées et de petite ampleur qui ne font que briser davantage les solidarités internationales. Ce n’est que progressivement que s’amorce une période d’interventionnisme étatique marquée par :
- des programmes de grands travaux publics,
- des programmes d’aide aux entreprises et aux chômeurs,
- des programmes d’incitations à l’amélioration des salaires et à la réduction du temps de travail (on retrouve ainsi des ressemblances avec les politiques qui sont actuellement développées pour relancer la croissance).
Est-ce que la sortie de la crise est liée à cette nouvelle politique interventionniste ? Les avis sont partagés et certains soutiennent que la reprise est due à l’avènement de la guerre et aux importantes commandes en armement qui absorbent le chômage et relancent la production... Mais cette conjoncture constitue aussi une forme d’interventionnisme puisque les demandes en armement sont suscitées par les pouvoirs politiques.
[New deal : interventionnisme à l’américaine - démocrate Roosevelt, programme flou, interventionnisme avec dépenses budgétaires (travaux publics, système fédéral de retraites, programme d’aide au chômage !) et dévaluation du Dollar.]
Jérôme VALLUY‚ « Segment - La crise de 1929 »‚ in Transformations des États démocratiques industrialisés - TEDI - Version au 8 décembre 2022‚ identifiant de la publication au format Web : 152