Dans cette catégorie, on regroupe deux types de mesure correspondant à deux finalités différentes :
- Rendre le chômage supportable (ou moins insupportable en assurant un revenu de remplacement.
- Réduire le nombre de chômeurs en incitant certains d’entre eux à se retirer de la population active (-> population inactive).
1- L’indemnisation des chômeurs
Les politiques d’indemnisation du chômage sont construites autour de deux enjeux : celui du type d’indemnisation et celui du niveau de l’indemnisation.
1.1- Le premier enjeu est celui du type d’indemnisation
L’indemnisation peut relever d’une logique d’assurance ou d’une logique d’assistance. Quelle est la différence ? La première est basée sur le revenu et les cotisations des salariés alors que la seconde dépend des subventions attribuées par l’État. Les deux ont été dissociés en France en 1984, l’assurance étant gérée par l’UNEDIC et l’assistance (pour ceux qui n’ont plus droit à une indemnisation par l’assurance) par l’État. Néanmoins, cette dernière requiert pour en bénéficier d’avoir travaillé pendant un certain temps, ce qui exclut les primo-demandeurs d’emploi et beaucoup de travailleurs précaires. Une large part d’entre eux est aujourd’hui prise en charge par le RMI qui correspond de facto à un troisième régime d’indemnisation du chômage.
1.2- Le deuxième enjeu est celui du niveau d’indemnisation
Face à la montée et à la persistance du chômage, la plupart des pays ont d’abord eu tendance à améliorer les taux et les durées d’indemnisation pour atténuer les conséquences sociales du chômage. Mais la montée des dépenses qui en résultait a engendré des mesures restrictives souvent sévères, par exemple en France en 1992 et 1993. Ces mesures d’économies ont parfois été justifiées par la thèse selon laquelle un niveau élevé d’indemnisation constituait une « désincitation au travail » en encourageant les chômeurs à refuser des offres d’emploi qu’ils jugeaient insatisfaisantes. Il n’existe aucune démonstration économétrique de la validité générale de cette thèse qui suppose que les chômeurs ne soient pas conscients que l’allongement de leur durée de chômage réduit leurs chances de trouver un emploi !
Quelles que soit les motivations de ces politiques (économies budgétaires ou incitation au travail), presque tous les pays d’Europe ont adopté durant les années 1990 de telles mesures restrictives de l’indemnisation des chômeurs.
2- Réduction de la population active
Pour être reconnu comme chômeur, il faut se présenter sur le marché du travail. La tentation est donc grande, politiquement, de réduire le chômage apparent en diminuant le volume de la population active. Certaines politiques dites « actives », notamment celles relatives à la formation (prolongement de la scolarité, multiplication des stages de formation des chômeurs), interviennent aussi dans cette perspective même si elles peuvent correspondre à d’autres finalités politiques. Les politiques les plus explicitement destinées à réduire la population active concerne les travailleurs immigrés et les salariés âgés.
En France plus particulièrement, une double politique de l’immigration a été mise en place comme un moyen de lutte contre la crise de l’emploi : d’abord, l’adoption d’une réglementation restrictive visant à bloquer l’immigration et ensuite une série de mesures ayant pour but d’encourager ou de pousser les immigrés à retourner dans leur pays d’origine. Cette dernière politique n’a eu que de très faibles effets sur le chômage car elle a été suivie essentiellement par des suppressions d’emplois et non par de nouvelles embauches. Jacques Freyssinet qualifie ainsi la politique de l’immigration d’expulsion des immigrés plus que d’instrument d’action contre le chômage !
Quant à la politique menée à l’égard des salariés âgés, il s’agit en fait de mesures mises en place pour inciter les gens à prendre leur retraite plus tôt que prévu. Ainsi, en 1995, syndicats et patronat signent un accord qui crée l’Allocation de Remplacement pour l’Emploi et qui permet le départ à la retraite de travailleurs qui ont cotisé pendant 40 ans en contrepartie d’une série d’embauches. Ce type de politique a effectivement créé un petit nombre de nouveaux emplois, mais a contribué aussi à fragiliser psychologiquement une population qui s’est trouvée à la retraite relativement tôt. Parallèlement, comme on le disait tout à l’heure, la création de nouveaux emplois a suscité l’embauche de jeunes demandeurs d’emploi plutôt que des chômeurs.
Jérôme VALLUY‚ « Segment - Les politiques « passives » »‚ in Transformations des États démocratiques industrialisés - TEDI - Version au 3 mai 2023‚ identifiant de la publication au format Web : 141